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Témoignage de M. Bernard Beaudoin, président d’honneur de la Marche pour l’Alzheimer dans le secteur Estran / Murdochville

C’est avec une grande fierté que j’ai accepté d’être le président d’honneur pour le point de service de l’Estran et Murdochville de la Société Alzheimer Gaspésie/Îles-de-la-Madeleine. Quelles raisons m’ont motivé à accepter?  Fort probablement ma grande sensibilité à la maladie d’Alzheimer !

J’ai été l’aidant naturel qui a eu la responsabilité de s’occuper de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. Béatrice, cette femme que rien ne pouvait arrêter, est décédée le 17 février 2017 après avoir été hospitalisée à Mgr Ross durant presque 3 ans.

Quand j’ai commencé à écrire ce message, je me suis rendu compte après trois pages, que cet épisode de ma vie était encore très présent à ma mémoire. Malgré les années qui ont passé depuis son départ, la tristesse est toujours enfouie en moi. Au lieu d’écrire mon histoire, j’ai décidé de faire ressortir les sentiments qui nous ont habités, ceux qui l’aimaient tant.

Quand je me suis rendu compte que maman oubliait ses recettes, je me suis dit qu’elle était fatiguée.

Quand elle s’est mise à oublier le temps qui passe et que la confusion était de plus en plus présente, je me suis dit qu’elle était peut-être malade. C’est alors que je l’ai amenée au CLSC et pour une première fois, parlé de la situation avec le médecin.

Quand j’ai vu que la vie de mes parents était de plus en plus désorganisée, j’ai demandé de l’aide à domicile. Ma mère a mal réagi et mon père était de plus en plus démuni.

Quand mon père m’a téléphoné à la fête des mères 2014, rien n’allait plus. À ce moment-là je me suis rendu compte à quel point mon père avait attendu avant de crier au secours.

Quand ma mère a été hospitalisée et que le médecin m’a annoncé que Maman n’était plus apte à revenir à la maison, je ne savais pas comment aborder cette situation; j’étais démuni.  Je devais revenir à la maison et expliquer à mon père que celle qui avait partagé sa vie depuis plus de 60 ans ne reviendrait plus à la maison.  Les larmes coulent, je peux voir la détresse dans ses yeux.

Quand je n’arrive plus à respirer par anxiété, Anne, qui travaille pour la Société Alzheimer, m’écoute et me guide pour les jours à venir.

Quand mon père ne comprend pas ce qui lui arrive et que tout ce qu’il veut c’est que sa femme revienne à la maison, je la ramène. Même moi j’espère que ça va marcher. Quelques jours plus tard tout est à recommencer, le placement est inévitable.

Quand mon père ne veut pas prendre la décision pour le placement et qu’il s’en remet à moi, je suis incapable de le faire, je refuse d’avoir ce rôle.  Le médecin et la travailleuse sociale de Maman m’ont été d’une très grande aide, pour permettre à mon père de comprendre un peu la maladie qui entrait dans notre vie. Nous avons signé tous les deux pour un non-retour à la maison; je pouvais voir le désespoir dans ses yeux.

Quand je me lève le 12 juin 2014, je ne sais pas que ce jour sera un des plus difficiles de ma vie.

Je demande à ma sœur de venir avec moi. C’est aujourd’hui que nous transférons maman de l’hôpital de Gaspé à Mgr Ross. Ceux qui l’ont vécu savent de quoi je parle; la tristesse, la culpabilité, la peur nous habitent et ne nous quitteront plus jamais. C’est le début du deuil blanc.

Quand papa n’arrive pas à comprendre ce qui arrive, une rencontre sur le deuil, organisée par Anne Minville et Marie-Berthe Bélanger, aide papa à comprendre qu’il n’est pas le seul à vivre cette douleur qu’il n’arrivait même pas à nommer.

Nous voilà maintenait face à une maladie qui ne cesse de nous surprendre. Pour Maman la progression de la maladie fut assez rapide. Le 12 juin 2014 elle était prête à se battre avec quiconque la provoquait; c’est la phase agressive. Peu à peu, le silence s’installe, ses yeux aimants te regardent sans être capable de dire ton nom.

Des gens formidables, tout au long de son séjour, ont pris soin d’elle, nous ont accompagnés et souvent réconfortés. C’est là que j’ai pris conscience de l’importance de la Société Alzheimer Gaspésie/Îles-de-la-Madeleine.

La stimulation par la musique, les ateliers d’information, l’accompagnement de la famille, le support psychologique ne sont que quelques services qui ont été offerts grâce à la générosité et l’implication de chacun de nous.

Pour conclure, ce que je retiens de cette période de ma vie, c’est que malgré la maladie de maman, j’ai eu aussi de très beaux moments. Mes sorties au restaurant avec papa et maman, qui m’ont permis d’être témoin de leur amour. Les moments où je l’entendais chanter avec Annika, celle qui savait si bien prendre soin d’elle. Tous ceux, qui comme maman, me gratifiaient de leurs plus beaux sourires quand j’arrivais au salon du petit chez nous. Ce ne sont que quelques-uns des beaux souvenirs qui resteront gravés à jamais.

N’ayez pas peur de les sortir; les gens sont très compréhensifs. N’ayez pas peur de leur rendre visite le plus souvent possible, de vous impliquer auprès des comités d’usagers, car vous devenez ceux qui représentent leurs droits, leur dignité.

Leur bien-être est entre nos mains.